On y était le weekend du 8&9 septembre !
En voici le roman, by Yannick, Arthur et Tristan
I –
On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
Un beau soir, lisant la BD ‘Ailefroide’ et la passant à Nico, on en discute dans des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
On va sous les tilleuls verts de la promenade et décidons de nous engager dans la Dibona par sa fameuse Voie Madier : “Si, je te dis qu’en bossant à la salle, on va s’en tirer”.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de mai !
L’air est parfois si doux qu’on ferme la paupière en galérant dans sa 6a de Ladoumègue.
Le vent chargé de bruits et de poussière – la pof et le périph ne sont pas loin –
On s’entraîne et bossons les éléments de sécurité en grande voie, ça sent fort la transpiration et les parfums de bière…
II –
Deux cordées, pour équilibrer les niveaux : Régis et Yannick – Nicolas et Tristan. On emprunte le matériel, on le complète avec un DragonCam #6 pour se faire du bien.
Trois arrivent en train à Grenoble le vendredi soir et dorment proche du parking des Étages – le hameau au départ du sentier de rando – sous la tente et le ciel étoilé. Petit déj du samedi avec le quatrième qui nous rejoint à la fraîche : réchaud, café, brioche aux noix, on enfile les sacs et c’est parti pour la marche d’approche.
Voilà qu’on aperçoit un magnifique triangle au loin.
D’azur sombre, soutenue à son pied par le refuge du Soreiller,
Piquée d’une bonne étoile, qui se découpe
Avec de doux frissons, aiguille racée, toute de granite, caillou solide et droit…
Nuit de septembre ! Dix-sept ans ! – On se laisse griser.
La corde à double est un champagne qui vous monte à la tête…
On divague ; on sent aux lèvres un baiser d’adrénaline
Qui palpite là, comme une petite bête… On se concentre, on répète.
Arrivés au refuge sur les coups de midi, on se lance dans une courte grande voie en guise de digestion déjeunatoire : à l’assaut des contreforts de la face Sud de la Dibona, on essaie de se chauffer et de prendre connaissance avec le rocher. Mais aussi de se familiariser avec la pause des protections (friends, coinceurs ou becquets) qui seront notre quotidien le lendemain.
III –
Le cœur fou robinsonne à travers le topo de Cambon,
Lorsque, une fois au refuge dans la clarté d’une pâle frontale,
Passe une guide de Chamonix devancée par notre ration de riz et de viande en sauce,
Nous dormons dans une chambre de 8 sous l’ombre de la Dibona : petit dej prévu pour le service de 6h… Mauvaise et courte nuit, la tachycardie assomme nos tympans.
Et, comme elle vous trouve immensément naïfs cette Aiguille,
Tout en vous faisant trotter vos petites bottines dans les 15 longueurs,
Elle vous laisse poser vos Friends et équiper vos relais. L’un en tête, puis l’autre : on progresse vite dans le 5c ou 6a, seuls dans notre Voie Madier. Le ciel est immense. Votre vue porte plus loin que jamais et vos sens sont plus à vous, comme augmentés par le gaz qui détache sous votre baudrier.
Sur vos lèvres alors meurent les discussions : tout le monde se concentre, toujours à faire quelques chose… C’est la Pleine Conscience, un façon d’être nouvelle dans le moment présent, l’attention juste, le samma-sati, la vigilance de ses pensées et de ses actions.
Jamais aucun de nous 4 ne s’était confronté à autant d’engagement mental : avec deux à trois points par longueur, les protections sont plus qu’un confort. Mais ça passe pour tout le monde, avec plus ou moins de grognements.
Vers la moitié de l’ascension, où toutes les voies se rejoignent, on rencontre toutes les autres cordées parties en parallèle de nous. Ça bouchonne un peu, forcément, mais peu importe : le cadre est divin et le soleil écrasant. Nous choisissons pour les dernières longueurs un mixte entre Visite Obligatoire – une autre magnifique grande voie qui court sur la face Sud de la Dibona – et du terrain d’aventure en 4+ (comme on y prend goût !).
IV –
On est amoureux. On est au sommet.
Soixante mètres de rappel et trois heures de marche forcée pour rejoindre la voiture et attraper notre train de retour. C’est le high five une fois en bas : loué jusqu’au prochain sommet. La pression tombe quand le moteur de la voiture s’allume : nous avons réussi.
On est amoureux d’Elle. – Nos histoires La font rire
Puis un lundi soir, à Ladoumègue, l’adorée se rappelle à vous ! Ce soir-là, vous rentrez aux cafés éclatants, vous demandez des bocks ou de la limonade… – On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
Et sous les tilleuls verts de la promenade, vous réfléchissez inévitablement à une suite. Pourquoi pas l’aiguille de la Vanoise à l’automne.